Portrait d’art-thérapeute : Nelly Nahon
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amené vers l’art-thérapie ?
Nelly Nahon : Plasticienne intervenante à l’origine – parallèlement à mon métier de décoratrice et graphiste pour le cinéma – j’ai expérimenté pendant de longues années des dispositifs aussi variés que les publics auxquels ils étaient destinés, avec des actions en milieu pénitentiaire, associatif, scolaire, au sein d’une compagnie de marionnette…
Si le potentiel thérapeutique de la médiation m’apparaissait évident, je ne disposais alors que de ma seule intuition pour le mettre en œuvre et l’envie d’articuler ma pratique à un corpus théorique solide s’est affirmée au fil du temps. Après être allée à la rencontre des différentes formations proposées, j’ai choisi celle dispensée par Paris V/ CEE Ste Anne.
Deux années riches de réflexion et d’apprentissage, riches de rencontres également ! On m’a proposé d’intervenir à la PJJ, à la prison de Fresnes, dans un centre d’accueil psychologique parents enfants. J’ai également débuté une réflexion à destination des tous petits avec le centre d’art contemporain de Montreuil avec la mise en place des dispositifs artistiques expérimentaux J‘ai rejoint l’équipe des petits lutins à la création du centre de Bourg-la-reine.
Avec des semaines bien remplies,j’avais définitivement tiré un trait sur mon métier de décoratrice pour me consacrer à l’art-thérapie et aux ateliers à médiation.
Comment définiriez-vous cette discipline ?
Nelly Nahon : En art-thérapie à médiation arts plastiques, nous utilisons le processus de création comme levier du travail thérapeutique. Notre langage artistique et protéiforme nous permet d’emprunter des chemins détournés pour aller assouplir et travailler les points nodaux qui empêchent un fonctionnement psychique harmonieux.
L’atelier, les outils, les matières et toutes les références culturelles de notre médiation ainsi que la contenance et la bienveillance de l’art-thérapeute, participent à la mise en place d’un espace propice au développement de ce processus. Nous l’accompagnons d’autant mieux que nous l’avons éprouvé dans notre pratique artistique personnelle, que nous en connaissons et reconnaissons les mouvements et les difficultés.
En art-thérapie à médiation arts plastiques, nous utilisons le processus de création comme levier du travail thérapeutique. Notre langage artistique et protéiforme nous permet d’emprunter des chemins détournés pour aller assouplir et travailler les points nodaux qui empêchent un fonctionnement psychique harmonieux.
À quoi ressemble votre métier d’art-thérapeute ?
Nelly Nahon : Moi qui ai toujours fonctionné en indépendante, j’ai récemment décidé de travailler en institution ; j’ai rejoint le très dynamique et créatif CATTP « Minute Papillon » de l’hôpital Robert Ballanger, où je suis en poste à mi-temps. Le travail en équipe est d’une richesse infinie car il permet de proposer une prise en charge pluri-disciplinaire, ou, comme le dit si bien Pierre Delion, un « costume thérapeutique sur mesure ».
La réponse que nous pouvons apporter aux problématiques des enfants que nous prenons en charge est alors à la croisée de nos regards, de nos sensibilités et de nos spécificités, et s’enrichit de ces différentes histoires. Nourrie par ma pratique d’art-thérapeute, j’interviens toujours en tant que plasticienne auprès d’adolescents pris en charge par la Protection judiciaire de la Jeunesse et dans le champ de la petite enfance, notamment en étant désormais formatrice à destination des professionnels que je sensibilise à l’accompagnement du processus de création. Je fais également partie d’un collectif d’art-thérapeutes, qui propose des prises en charge individuelles et des séances de supervision et de co-vision ; pas de pratique saine qui ne se laisse questionner !
Quel regard portez-vous sur l‘art-thérapie actuellement en France ?
Nelly Nahon : S’il semble évident qu’elle gagne en popularité je constate avec regret que la pratique art-thérapeutique (et nous avec !) souffre encore d’une trop grande méconnaissance de la part du grand public et des professionnels.
Il nous faut régulièrement redéfinir la nature exacte de notre travail, trop souvent détourné ou altéré par la réalité institutionnelle ; si l’envie de proposer une prise en charge art-thérapeutique grandit au sein des institutions, les postes d’art-thérapeute sont encore trop rares, les ateliers sont donc souvent assurés par des soignants ou des artistes qui ne sont pas formés. Je reste néanmoins confiante et ne peut qu’espérer le développement des ateliers et de l’art-thérapie comme une vraie réponse thérapeutique reconnue.
Nelly Nahon est art-thérapeute et plasticienne
Propos recueillis par Les Petits Lutins de l’Art en février 2019.